mercredi 15 avril 2015

La photo de Mamie

Elle était belle Mamie étant jeune..... Elle était belle et amoureuse.

 

 

— Montre-moi cette photo.

— Non ; elle est à moi ; je ne veux pas qu’on me la prenne.

— Allons, mamie, s’il te plait, je te promets de te la rendre ; mais, s’il te plait montre-la-moi, elle est trop belle.

— Non, je ne veux pas… tu vas en parler à tout le monde… et si les infirmières l’apprennent ou si tu le dis à ta mère, je vais me faire disputer.

C’était ma grand-mère… une toute petite bonne femme qui n’avait jamais été grosse. Maintenant qu’elle était vieille, elle me semblait plus légère qu’une branche de bois mort. Son corps s’était desséché comme une foret en hiver. Seuls ses yeux avaient conservé les reflets de sa jeunesse. Elle riait toujours ; parfois même avant de se mettre à pleurer.

Tout le monde dans la famille l’avait toujours prise pour une folle. Elle souffrait juste d’épilepsie et perdait souvent le fil de ses mots et de ses pensées. Mais non, elle n’était pas folle.

Ma mère et mes tantes ne la voyaient plus depuis des années. Elles se disaient fâchées avec elle et cela ne s’était pas arrangé avec la mort du grand-père. Je savais juste qu’elle était partie un jour. Elle les avait laissés pour vivre sa vie, mais personne ne m’avait dit où et pourquoi.

J’avais retrouvé sa trace en classant des papiers à la mort du Papy. Il n’avait rien prévu. Nous savions juste qu’il voulait reposer près des siens dans son village en Espagne.

Maman et tatie pensent que l’assurance paierait et se chargerait de tout, mais elles ne s’étaient pas préoccupées de savoir pourquoi au juste il cotisait chaque mois depuis plus de trente ans.

J’étais tombée sur une lettre ; une enveloppe ; une adresse et j’avais fini par comprendre qu’elle était toujours bien vivante quelque part en suisse. Personne ne se disait au courant.

J’avais passé des jours et des semaines à retrouver sa trace sans en parler à qui que ce soit. Je voulais leur faire la surprise.

Quand, l’hiver dernier, j’ai enfin entendu sa voix au téléphone, elle pleurait tant elle était émue d’avoir un contact avec sa famille.

J’étais à la fois heureuse et en colère. Pourquoi m’avait-on dissimulé son existence ? Pourquoi l’avoir ainsi rayée de mes racines ?

Je ne ressemblais à personne de la famille. Alors qu’ils étaient tous pâles de peau, j’avais la peau mate, un corps de poupée et des traits fins qu’encadrait un visage étroit. Je ne ressemblais à aucune des femmes de la famille. Elles étaient toutes de pures Andalouses, qui très tôt se parent de noir et au fil des années s’enrobent dans une austérité qui ne me ressemblait pas.

Elles avaient d’ailleurs accueilli assez fraichement la nouvelle, ne s’intéressant vraiment à ce que je disais quand j’avais mentionné l’endroit où elle séjournait. La Suisse, ça les faisait rêver. Elles ne comprenaient pas comment cela pouvait être possible. Elles savaient combien coutait une maison. La retraite de papy n’avait pas été facile. Il ne s’était occupé de rien et sa santé n’avait pas arrangé les choses. Elles avaient dû se saigner pour qu’il puisse finir sa vie dignement dans un hospice convenable, chez lui, en Espagne. Je ne me souviens pas les avoir jamais entendu parler d’autre chose que d’argent ou plutôt de celui qui leur manquait toujours.

La Suisse, surtout depuis qu’on avait remplacé l’euro par le vieux franc, c’était impensable. Elles voulaient savoir comment elle avait fait. Elles échafaudaient des scénarios dignes de séries américaines ou brésiliennes. Elles lui en voulaient presque de ne pas être dans la misère. Je les avais toujours vues au même endroit depuis toujours. C’est la ou j’avais grandi ; entre deux mosquées et un terrain de foot sans herbe. Elles y habitaient depuis si longtemps qu’elles ne s’imaginaient plus habiter ailleurs. J’avais eu de la chance, je n’étais pas restée. J’étais heures de savoir que ma grand-mère aussi avait franchi le pas.

— allez mamie, sois sympa, j’ai tellement envie de te voir quand tu étais jeune. Je n’ai presque pas de photos de toi.

— Oui, mais celle-là, elle est vraiment très personnelle. Ce n’est pas juste moi, c’est le regard de mon homme.

— mais j’en ai plein comme celle-là moi aussi. Si tu me la montres, alors je te ferai voir les miennes.

— tu veux vraiment la voir ? Tu me promets d’en parler à personne ?

— mais oui mamie, de quoi as tu peur ?

— tu sais, elles me téléphonent tout le temps. Elles veulent toujours savoir, mais je ne sais pas… il ne m’a jamais rien dit.

— qui ne t’a jamais rien dit, mamie ?

— mais Francisco… mon homme ; il ne disait pas grand-chose ; il s’occupait de moi et me répétait toujours de ne pas m’en faire.

— tu veux parler de papy ? Mais il ne s’appelait pas Francisco, lui c’était Antonio.

— ne me prends pas pour une bique gâteuse comme ta mère. Je sais bien ce que je dis. Francisco c’était mon homme. J’ai tout quitté pour lui et il a fait pareil aussi. Nous avons vécu des années ensemble ; à paris, a Albi, en Thaïlande et à mada c’est de là-bas que je viens, toi aussi ; c’est là-bas qu’il est mort.

— de quoi est-il mort mamie ?

— un accident stupide. Il aimait pêcher ; il est passé par-dessus bord ; il était vieux lui aussi, il n’a pas survécu.

— c’est horrible.

— Tu sais, ma petite, j’ai mis longtemps à m’en remettre, mais je sais qu’il n’a pas souffert et je n’aurais pas aimé le voir dans une maison comme celle-ci, ça ne lui ressemblait pas.

— et papy

— Antonio ?

— Oui ; papy…

— c’était un homme bon. Il ne m’a pas pardonné, mais il a fini par accepter. Je ne lui voulais pas de mal moi non plus, mais j’ai rencontré l’homme de ma vie quand j’avais déjà bien vécu.

— et Francisco alors, c’est lui qui a tout payé ?

— non, enfin, je ne sais plus… J’ai peint, j’ai écrit, ça a bien marché pour moi ; plus que pour lui. Il m’a beaucoup encouragée.

— ça a marché ? Comment ça ?

— j’ai eu mon petit moment de gloire, tu sais. Ça n’a pas duré, mais je l’ai eu.

— On n’a rien su, c’est pas possible.

— j’ai toujours envoyé de l’argent aux filles ; je leur ai écrit, mais elles ne m’ont jamais répondu. Les chèques étaient encaissés sans un mot de leur part. Je sais qu’elles m’en voulaient, qu’elles avaient honte de moi.

— mais pourquoi honte ?

— je hâtais partie ; j’avais voulu vivre ma vie ; j’étais amoureuse ; elles ne le comprenaient pas. Pour elles, la vie c’était avant tout, être des femmes bien… je le croyais aussi jusqu’à ce que je le rencontre et moi, je n’ai pas été une femme bien… j’ai juste essayé de faire ce que je devais faire.

— Tu sais mamie, je n’ai pas aimé la dernière fois quand on est tous venus ensemble.

— toutes, tu veux dire.

— Oui ; toutes.

— Je n’ai pas aimé, j’ai trouvé que ça faisait un peu tribunal de l’Inquisition.

— il faut les comprendre. Elles n’ont jamais accepté que je préfère partir au risque de ne plus jamais les voir. Elles ne m’en ont pas cru capable, c’est peut-être pour cela qu’elles m’en ont voulu à mort.

— mais papy, tu y avais pensé.

— On vivait ensemble, mais nous n’étions plus un couple depuis longtemps. Toi aussi, tu vas m’en vouloir d’avoir osé être une femme ?

— il parait que tu es partie avec un dingue.

— non, il ne parait pas ; il l’était vraiment.

— je t’aime mamie. Je suis heureuse de t’avoir retrouvée.

Sans rien dire ; elle fouillait le fatras de son sac à main et en ressortit la photo qu’elle me tendit. Elle représentait une femme nue, simplement coiffée d’un chapeau noir. Elle était belle, ne cachant pas ses seins menus aux pointes tendues. Son corps ressemblait au mien. C’était à la fois une photo très osée, mais formidablement pudique.

Comme elle me disait — « n’oublie pas ma petite que pour faire une photo c’est comme pour faire l’amour ; il faut être deux ; un modèle et un regard. » —

Ce jour la, j’ai enfin compris d’où je venais…

Mamie est morte depuis longtemps ; elles ont tout retourné pour savoir d’où venait l’argent. J’ai juste gardé les toiles qu’elle m’a données. Je pourrais en vendre une ou deux, mais je ne peux m’y résoudre, même si je sais que ça changerait bien ma vie.

chapeau noir

samedi 11 avril 2015

LA DAME AU CHAPEAU NOIR

 
popy

Elle est déroutante
son sourire, son regard captivant
aspire ta confiance
ton âme est en paix.
Tes yeux se ferment
ton esprit vague à des rêves
amoureux, sensuels et érotiques
sans haine ni mépris.
Elle va briser ton havre de paix !
Par une porte d'horreur
fermée par des clefs bruyantes
tu ne pourras pas l'ouvrir
car tu te trouveras
privé de Liberté
de ta Liberté.
Ses ongles seront des lames
griffant entièrement ton corps.
Ton sexe gonflé de plaisir
sera ta souffrance.
Les yeux de la Dame au chapeau noir
seront des flammes ;
tu seras défiguré.
Par le sang
qui jaillit de ton corps
elle deviendra vampire.
Tu te réveilleras
de ce chaos.
Tu n'arrivera pas
à oublier....
La Dame au chapeau noir
envahira à tout jamais
tes rêves.
Ils seront ta prison !
 
Popy Canella - 2015





mercredi 8 avril 2015

INITIATION

 
chambre-2Je venais de tout juste fêter mes seize ans. Je ne grandirai plus à présent.
Ce matin, dans la salle de bain, je m'étais longuement observée, scrutant chaque détail de mon corps, prenant les poses des filles des magazines, ceux de la mère où le mépris s'affiche derrière un ennui de façade. Je me souvenais aussi des filles des magazines du "grand", celui que je n'arrivais pas à appeler "mon frère". Celles ci étaient souriantes et bronzées, leurs corps nus à la peau parsemée de gouttelettes d'eau s'étalaient au soleil. Elles étaient toujours chaussées de hauts talons, même sur la plage ou au bord d'une piscine. je n'avais jamais croisé encore de filles qui leur ressemblent. Toutes étaient un peu les mêmes, seule différait la couleur de leur peau et de leurs cheveux. Elles avaient l'apparence de poupées aux seins usinés dans un moule identique. Leur sexe était lisse et offert, il ne ressemblait pas au mien qui se dissimulait derrière un petit buisson désordonné dont j'étais très fière, lequel chaque saison s'épaississait un peu plus .
Il était drôle le frère. Il ne parlait pas beaucoup ni souvent; encore moins depuis qu'il avait été convoqué au service militaire. Il revenait presque chaque semaine, sans un bruit, par le bus de dix huit heures. Il vidait son sac dans la machine, sans prendre la peine de trier son linge, prenait au hasard ce qu'il trouvait dans le réfrigérateur, et toujours sans un mot, sans un regard pour moi, montait s'enfermer dans sa chambre qu'il verrouillait de l'intérieur. Il n'en ressortait que pour diner si les parents étaient rentrés. Il ne nous prévenait jamais de ses permissions. Les parents avaient l'habitude de sortir chaque vendredi au cinéma . Ces soirs la, il restait cloîtré dans sa piaule jusqu'au lendemain matin.
Je n'ai jamais su ce qu'il pouvait faire la dedans, enfermé comme ça, sans ne jamais voir personne.

lundi 6 avril 2015

"mmm et si on faisait une petite sieste? "

Les mots d'une jeune auteure... assez timide, mais que j'aimerais qu'elle signe...
C'est un premier jet...


Le texte est brut, sans aucune correction.
"mmm et si on faisait une petite sieste? "
J'ai du mal à lui résister quand il m'enlace de cette façon et avant même que je n'ai eu le temps d'acquiescer, il me prend par la main et m'entraine silencieusement dans la chambre.
Le silence ajoute une dimension sensuelle à cette sieste qui s'annonce bien crapuleuse, je décide donc de poursuivre sans dire un mot.

samedi 4 avril 2015

Mes Sept manies et habitudes d'écriture.


  1. Il n’est pas un jour sans que j’écrive. J’ai lu, il y a de cela quelques années un livre de Julia Cameron. J’en ai retenu cette habitude quotidienne. Chaque jour, de préférence au lever, en buvant mon thé, alors que mes rêves ne se sont pas encore effacés, j’écris trois pages… ni plus ni moins ; mais trois pages quotidiennement. Derrière mon dos, dans mon bureau, repose à présent une étagère entière de carnets. Ce sont des milliers de pages que je lirai peut-être un jour. 
  2. Je promène avec moi un carnet qui ne me quitte jamais. J’y note ce qui me passe par la tête. Ce sont souvent des bouts de dialogues, des incipits ou autres pensés que j’emprunte au hasard de mes rencontres et de mes lectures. J’en ai toute une collection, de toutes tailles. Je les égare régulièrement, mais jamais définitivement. Nos retrouvailles, après parfois quelques années sont alors l’occasion de les relire et de reprendre de vieilles idées qui ont inconsciemment fait leur chemin de maturation.
  3. J’ai longtemps, exclusivement écrit au clavier. Puis, on m’a offert un stylo, presque centenaire, dont je suis tombé fou amoureux de sa plume. J’ai remarqué que l’écriture au clavier et à la main ne procédaient pas du même cheminement ; comme si la pensée empruntait des voies différentes. Je garde ce stylo sur ma table de travail ; j’écris avec un roller quand je suis en balade. Je ne supporte pas le tracé de la pointe bille, que je trouve rêche et désagréable.
  4. Je peux écrire partout ; dans les gares, les cafés, en avion, chez moi ; n’importe où. J’ai rédigé certains de mes textes dans ma voiture, tandis que gare, je n’avais rien de mieux à faire. Avec le temps, j’ai pris quelques habitudes. Je me suis rendu compte que je n’étais jamais aussi bien que chez moi, entouré de mes objets familiers. J’ai peu à peu cessé d’écrire dans les cafés. Je n’aime pas les regards voyeurs. Je n’aime pas non plus être percu comme étant seul alors que j’affectionne tant la solitude. Ces derniers temps, j’écris au bureau à l’heure du repas. Je sais que mon temps est limité. Je reste seul et j’écris en mangeant un sandwich ou un bout de salade. Après une heure d’écriture, je me sens détendu et reposé, même si je suis rarement satisfait de ma production.
  5. Je n’ai que tardivement découvert l’écriture en ateliers. Les contraintes imposées m’agacent souvent, mais contribuent toujours à libérer ma créativité. Je suis alors dans un état second où ce que je transcris n’est pas le résultat d’une pensée, mais une sorte de déversoir dont le résultat m’est toujours inconnu au moment où je démarre. Lire son texte en atelier est une épreuve qui m’est difficile. Je perçois plus aisément la qualité ainsi que l’authenticité chez les autres que chez moi même. Se confronter est selon moi un moyen efficace de s’affranchir de ses propres limites. Les ateliers d’écriture érotiques, souvent fréquentés par des femmes sont pour moi des exercices d’humilité et d’ouverture que j’apprécie tout en les appréhendant.
  6. Je suis rarement satisfait de ma production. J’ai beaucoup déchiré ou jeté. Je m’en suis voulu. Certains textes auraient pu simplement être retravaillés. Ils sont à présent irrémédiablement perdus. C’est la raison pour laquelle j’ai abandonné les feuilles volantes au profit des cahiers et des carnets. Je m’astreins à taper et retaper ; ce qui constitue pour moi une façon différente d’appréhender mon texte, mes les heures me manquent et je passe peu de temps à relire mes carnets.
  7. J’aime planifier mes textes. Découper les scènes en séquences qui se répondent est un jeu qui ne me lasse jamais. Je rêve beaucoup de mes personnages. Je leur invente toute une vie, une enfance, des secrets cachés, des obsessions, des manies, des sources de honte ou de réjouissance. « Écrire » mon personnage c’est donner vie à un univers qui se révèle devant mes yeux. Je sais que je n’utiliserai qu’une infime partie de sa biographie, mais les histoires découlent toujours du personnage, jamais le contraire. Alors, une fois qu’il existe en moi, je planifie, je découpe, je tronçonne et je schématise… je sais parfaitement où je veux aller. J’écris alors, et la plupart du temps je ne respecte pas mon plan, mais l’avoir devant moi me rassure à défaut de me guider.