Je n'ai jamais aimé les pigeons. Je les ai toujours trouvés
répugnants, sales et idiots avec leur démarche ridicule. Un pigeon, c'est comme
un rat d'égout qui a des ailes. C'est plein de puces et ça chie partout,
surtout en plein effort, au décollage.
Les pigeons m'ont toujours posé des problèmes. Je me souviens
de cette fois, où sur ma mobylette, je remontais à Nice le Boulevard François
Grosso. J'étais en retard et je savais que Nathalie n'aimait pas ça.
L'accélérateur bloqué, à toute allure je remontais les files entre les voitures quand soudain,
le trou noir.
Je me suis réveillé une semaine plus tard, plâtré de la tête
au pied, des tubes dans chacun de mes orifices. J'ai appris d'un infirmier que
j'avais percuté un pigeon qui descendait en rase motte le même boulevard. il
n'avait pu m'éviter et ne s'en était pas réchappé. L'affaire avait fait un
encart dans les pages intérieures de Nice Matin. Un vétérinaire avait été
interviewé, témoignant de l'extrême rareté et surtout de l'improbabilité de ce genre
d'évènement qu'il attribuait à un dérèglement du système nerveux de certains
sujets, provoqué par l'accumulation de substances toxiques dans leur
alimentation. Quant à mon cas, il était évoqué avec ironie, le journaliste se
demandant si pour éprouver les probabilités je n'aurais pas mieux fait ce matin
de jouer une grille de loto. Nathalie, elle, ne lisait pas les journaux. Elle,
n'avait pas trop attendu et avait décidé de me quitter sans même chercher à connaitre
ce qui avait bien pu m’arriver...Je n'avais pas attendu cet évènement pour
détester les pigeons, mais cette fois j'ai commencé à vraiment éprouver de la
haine envers eux et du mépris pour tous ceux qui les nourrissaient, provoquant des
agglutinements de plumes grouillantes et roucoulantes... je hais les pigeons.
Plus tard, à Paris, cette fois ci, dans la cour du Louvres, non
loin de la pyramide, j'attendais Nathalie, qui n'arrivait pas. Comme à son
habitude, elle était en retard. Pas un petit retard qui s'excuse d'un simple
sourire... non, un vrai beau retard de presqu'une heure... je savais que quand
nous nous donnions rendez-vous elle savait pas etre à l'heure, ses retards
étaient presque devenus pathologiques. Elle ne supportait pas d'attendre, pas
plus que vingt ans plus tot mais parfois me faisait la surprise d'arriver de sa
relative ponctualité, ruinant ainsi toute stratégie de contournement qui
m'aurait permis de la prendre à revers en étant moi aussi en retard, mais un
peu moins qu'elle... Cette fois-là, j'usais mes chaussure en arpentant le
passage couvert du Louvre, comptant et recomptant les pavés entre le trottoir coté Rivoli et
l'entrée de la cour. Je n'osais non plus m'éloigner, ne voulant me heurter à l'impatience de Nathalie qui, si
elle ne m'avait pas tout de suite apercu serait partie à ma recherche dans une
direction aussi improbable que la raison
de son délai.
J’en étais à mon dixième
aller et mon onzième retour, ou le contraire.... mes pieds me faisaient mal et
je me sentais à l'étroit dans mes mocassins quand sortant du Porsche j'entendis
un cri. - Attention - je crois... et puis le choc et le noir....je me
réveillais sur le lit de camp d'une infirmerie improvisée. Pour la seconde fois
de mon existence, je m'étais fait percuter par un pigeon. Éblouit par le reflet
d’un miroir de la pyramide astiquée du matin même, il avait loupé son approche
et s'était rompu le cou, me plantant son bec dans mon crane.
Nathalie, quand elle avait fini par arriver, ne m'avait pas vu et avait
passé une bonne partie de la soirée à me chercher arpentant l'avenue de l'opéra
comme si j'avais quelque chose à faire dans ce quartier... Le soir, ne me
voyant pas rentrer, elle consumait sa colère dans le deux-pièces de sa sœur qui
ne m'avait jamais aimé et lui conseillait de faire ce à quoi elle aurait dû se
résoudre depuis longtemps.... Pendant ce temps, j'étais évacué vers les
urgences de l'hôpital Pompidou..... Incapable de la joindre, Nathalie ne
rechargeait jamais son téléphone ou le maintenait presque toujours en position
silencieux. Je ne suis même pas certain que quelqu'un ait pensé à appeler mes
proches comme ils disaient. Le fait que nous ne soyons pas mariés semblait
poser problème au personnel administratif qui avait insisté pour que je leur
communique également le numéro de téléphone de ma mère, désormais sourde, dans
sa maison de retraite du Périgord.....Quand j'ai ouvert les yeux, et qu'une aide-soignante
hilare m'a expliqué ce qu’il m'était arrivé, celle-ci n'a pas compris mon accès
de colère envers les pigeons.......
Je suis rentré chez nous au bout de vingt-quatre heures....
Nathalie avait fait changer les serrures et m'avait laissé un mot que le concierge de notre immeuble m'avait
remis de façon aussi solennelle qu'un huissier qui ouvre l'enveloppe annuelle
du tirage du sweepstake. Elle était partie, me demandait de ne pas la chercher
et d’encore moins la poursuivre si je
retrouvais sa trace. Elle avait décidé de prendre un peu d'air et déposé trois
valises avec les affaires qu'elle estimait me revenir dans le coffre de la
voiture.
J'ai quitté Paris depuis bientôt quinze ans, et la France aussi
par la même occasion. Le jour où Nathalie ma mise à la porte, j’ai été jouer
une grille de loto au café du coin de la rue. Je n'ai pas gagné le gros lot,
mais suffisamment pour prendre le large. Bien sûr, à Paris, je n'aurais pas
tenu trois ans... mais la..... À l'embouchure de la Somone, tout près du lac
Rose, je regarde les derniers pécheurs rentrer, tandis que de l'autre côté de
la rive, quelques centaines de flamands prennent ensemble leur envol.
Nathalie m'attend à la maison. C’est pratique ces plains
pieds coloniaux, surtout quand on se déplace en chaise roulante. Bien sûr, elle
ne peut pas aller très loin... rien n'est prévu pour elle dans ce bled.....Sa sœur
ne viendra pas cette année.... elle ne peut toujours pas me supporter....
pourtant, c'est bien elle qui conduisait et qui a voulu éviter ce pigeon
stupide, posé sur la route, qui ne semblait pas vouloir décoller......Je n'aime
pas les pigeons... non vraiment pas....ce sont des rats avec des ailes......
Une histoire courte, facile et plaisante à lire...
RépondreSupprimerBravos!!!
Whaou, quelle nouvelle, je comprends mieux son titre.
RépondreSupprimerEn tout cas un régal à lire.
Une nouvelle pleine d'humour où un pigeon est source de problèmes à notre protagoniste. Un pigeon peut changer toute une vie.....vous la pourrir ou vous la sauver.....Uniquement par sa présence....j'ai aimé l'humour et la dérision de ce texte.....
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