dimanche 24 juin 2012

Et peu a peu, on n'aime plus (Partie 1)


Son mari l’a quittée pour une femme plus jeune, plus fraiche et peut-être plus sexy qu’elle. Il l’a quittée parce qu’une autre est venue vers lui. Alors, il s’est laissé griser par l’aventure qui lui était offerte il pouvait ressentir à nouveau l’excitation du début mais aussi l’orgueil d’être encore un objet de désir.. Cette histoire, à condition de rester secrète, aurait pu rester sans lendemain et chacun y aurait trouvé son compte.
Mais, le mari vivait cette expérience pour la première fois. Ce n’était ni un tombeur, ni un cavaleur. Il s’est doucement installé dans sa double vie et peu à peu, les sentiments sont apparus. Au début, pourtant, il ne voulait qu’un peu de sexe. Il voulait retrouver les émotions du corps et les papillons dans le ventre. La jeune femme était plus ardente que son épouse, plus ouverte à de nouvelles expériences. Elle savait pourtant qu’il était marié, père de quatre enfants. Il faisait partie des hommes intouchables, ceux dont on pense que l’on ne peut rien espérer. Mais le mari s’ennuyait dans son couple, supportant mal la routine de la vie de famille. L’épouse avait pris un peu de poids, sa silhouette s’était alourdie. Elle se maquillait peu et ne choisissait ses vêtements qu’en fonction de leur praticité et de leur confort supposé. Leurs rapports sexuels s’étaient espacés et s’il avait un temps été demandeur, il n’avait plus gout à ces étreintes conjugales qui se déroulaient toujours de la même façon, le samedi soir, en silence, rapidement toutes lumières éteintes. L’épouse avait fini par s’habituer au rituel. Elle n’avait jamais connu d’autre homme dans son corps et sa libido avait été accidentée par ses multiples grossesses. Elle aimait sa vie sage et tranquille, ses enfants qui grandissaient, son homme sans histoires qui savait si bien arranger son intérieur, faisant des merveilles avec un paquet de vis et quelques planches de récupération. Il avait toujours été doué de ses mains. Elle appréciait aussi le sentir contre lui. Ses caresses ne la faisaient pas frémir, mais elle se sentait rassurée par son désir.
Aux yeux  duvoisinage, leur couple était sans histoires. Lui s’occupait de ses filles, partageant même la passion pour le judo qu’il leur avait communiquées. Elle, tout en travaillant, sans jamais se départir de la douceur de son sourire, organisait sa maison comme une petite entreprise.
La plupart des foyers du lotissement, où ils vivaient depuis une dizaine d’années, s’étaient déchirés. Les femmes avaient eu des amants, les hommes avaient battu leurs femmes. Derrière presque chaque jardin se dissimulait un drame ou une trahison insoupçonnable. Mais le quartier qui semblait immuable se trouvait peu à peu modifié par les départs, les déménagements, les histoires que l’on se confiait sans jamais vraiment trop savoir, après un peu d’alcool, les soirs d’été quand les voisins se retrouvaient.
Non, personne n’imaginait que ce couple aurait été un des suivants sur la liste, et certainement pas dans de telles circonstances.
Un matin, alors qu’il n’était pas rentré de la nuit, laissant son épouse sans nouvelle, le mari, lui annonça qu’il la quittait avant même qu’elle ait eu le temps de se mettre en colère.
Elle le regardait sans comprendre, ses doux yeux bleus fatigués s’emplirent de larmes. Après le choc de la brutalité de l’annonce, il y eut le temps des explications, des justifications et des règlements de compte. Il ne savait comment s’y prendre et manqua de courage, se perdant dans des explications alambiquées. Tout le monde savait qu’il souffrait depuis plusieurs mois d’une affection gastrique qui nécessitait de fréquents et pénibles traitements. L’ombre du cancer se profilait derrière chaque résultat d’examen. Ils savaient que dans cette partie du corps, c’était la certitude d’une  mort rapide.
C’est à l’hôpital qu’il fit la rencontre de sa nouvelle compagne. Elle était infirmière, un peu plus jeune que lui, déjà divorcée et dotée d’une forte dose de détermination. Au début, il lui livra ses angoisses. Elle se sentit attendrie par cet homme qui devant elle ne cachait pas ses pleurs. Elle s’intéressa à son cas et interprétait pour lui les messages que lui adressaient les médecins et autres internes. C’est elle qui lui expliqua que sa maladie avait été correctement diagnostiquée, écartant tout pronostic malin. Elle lui consacrait beaucoup de temps, consommant ses pauses dans sa chambre et restant parfois tard le soir auprès de lui, quand elle avait fini son service. Il lui parlait de ses filles mais n’évoquait que rarement sa conjointe. Un jour, il finit par lui avouer qu’il s’ennuyait dans sa vie,  depuis des années, il avait le sentiment de ne plus vivre qu’avec la mère de ses enfants, et la maitresse de maison qui sait si bien ordonner les bouquets de fleurs séchées. Il lui dit qu’il avait eu peur de disparaitre, et que c’est alors qu’il avait pris conscience de la brièveté de son existence. Il voulait à présent envisager la vie avec la perspective de son échéance. Elle lui répondit que c’était peut-être le bon moment pour se faire aider, et peut être envisager une thérapie de couple.
Ils parlèrent beaucoup tous les deux. Il avait le sentiment d’avoir trouvé une amie avec qui échanger intimement ? C’était nouveau pour lui. Il ne s’était jamais hasardé au-delà des discussions conjugales au format convenu où l’on évitait d’aborder les sujets qui risqueraient de remettre en cause le sens de leur couple.
À sa sortie d’hospitalisation il se sentit seul mais ne trouva le courage de  lui téléphoner qu’ au bout de quelques semaines. Elle ne semblait pas surprise et espérait son appel. Il lui proposa de se voir pour parler. Elle lui répondit qu’elle n’était pas sa thérapeute. Ils se virent donc une première fois au restaurant. Et cette fois-ci, c’est lui qui l’écouta parler longuement de ses échecs, de sa vie, de ses espoirs.
Après quelques sorties ils oublièrent le contexte hospitalier de leur rencontre. Un soir, il y eut le premier baiser. Ce fut elle qui prit l’initiative. Elle savait qu’il n’oserait pas. Elle fut émue quand il lui avoua qu’à part son épouse, il n’avait jamais embrassé aucune autre femme.
Quand il la reconduisit au bas de son appartement, ce fut encore elle qui lui prit la main, et le fit entrer.
Elle lui fit l’amour avec tendresse, avec une énergie et une impudeur qu’il n’avait jamais connue jusqu’à présent. Elle lui disait vouloir lever ses inhibitions et ses tabous.
Ils se virent rapidement plusieurs fois par semaine et chaque fois s'aimaient de plus en plus librement, sans que jamais il ne se lasse, tant ce qu’elle lui enseignait était nouveau pour lui.
Leur liaison dura ainsi plusieurs mois. Il ne touchait plus son épouse, qui s’en inquiétait un peu, sans vraiment s’en formaliser. Ils vieillissaient se disait-elle. Il était toujours aussi attentif à sa famille, mais sortait de plus en plus fréquemment. leurs rythmes de travail étant opposés, Elle n’y prêtait pas attention. Il avait accepté un poste de nuit plus rémunérateur. Elle travaillait de jour.
Il avait bien tenté de l’approcher à nouveau un samedi soir, de soulever sa chemise de nuit, lui saisissant un sein. Elle avait ri et s’était laissé faire, écartant les cuisses, jusqu’à ce qu’il ait fini. Ce soir-là, il s’était levé, avait pris une cigarette qu’il avait fumée dans le jardin. S’asseyant sur une chaise en plastique, il avait pris sa tête entre ses mains et avait pleuré longuement. Il l’aimait. Elle était la mère de ses enfants. Elle était la femme que chaque homme selon lui rêvait d’épouser. Il l’aimait, mais il savait qu’il y avait autre chose. Que le sexe pouvait être excitant. Qu’il ne pouvait plus se passer de l’adrénaline des rencontres avec sa maitresse ! Sa maitresse… Pour la première fois, il avait osé formuler ce mot.
Il aurait pourtant voulu sauver son couple. Il avait évoqué la thérapie de couple, la sexothérapie. Mais son épouse l’avait regardé interrogative et avait ri. Quelle drôle d’idée de dépenser de l’argent pour cela. Il n’y avait pas de problème, et elle était très heureuse comme cela.
Il voulait rattraper en seulement quelques semaines, une absence de communication profonde de près de vingt ans. Au fond, il savait bien que s’il éprouvait tout cela, c’était également parce qu’il avait fêté ses quarante-cinq ans cette année. Il était en crise.
Quand il écrasa sa troisième cigarette, il prit la décision de quitter son épouse.

2 commentaires:

  1. Je découvre votre blog et cette lettre grâce au hasard des liens.
    Bien qu'elle soit sûrement sortie de votre imagination, elle est pourtant criante de vérité...
    Bonne continuation pour vos écrits! Cordialement.

    RépondreSupprimer
  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer